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Le cheval phobique

La relation entre le cheval et son cavalier est basée sur la confiance. Si un rapport de force s’établit entre les deux, le cavalier n’en sortira jamais vainqueur ! Or, un cheval phobique peut rapidement devenir incontrôlable, mettant physiquement en danger son entourage. Les phobies doivent donc être identifiées et traitées le plus rapidement possible.

Qu’est-ce qu’un cheval phobique ?

Une phobie est une peur intense et irrépressible qui possède plusieurs caractéristiques :

  • elle est fixe : les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets,
  • elle est irrationnelle : la peur est disproportionnée par rapport à l’objet de la phobie,
  • elle est non adaptative : face à l’objet de la phobie, le cheval n’adopte pas un comportement approprié, mais choisit le plus souvent de fuir ou de charger si la fuite est impossible.

> Contrairement à la peur qui est une émotion naturelle (c’est normal que le cheval ait peur d’un prédateur), transitoire, face à un danger objectif, la phobie est pathologique : le cheval perd toute capacité d’adaptabilité aux variations habituelles de son environnement.

Quelles sont les phobies du cheval ?

La plus connue des phobies est peut-être la phobie des transports (embarquement et voyage), à distinguer de la phobie de la montée en camion qui ne concerne que le passage du pont. Outre la destruction du matériel, ce trouble présente des risques de blessures, pour la personne qui accompagne le cheval et pour le cheval lui-même, et altère ses performances sportives.

D’autres phobies sont possibles : le passage par un endroit particulier (porte, couloir, chemin, pont…), la visite du vétérinaire ou du maréchal-ferrant, l’eau, la musique, certains obstacles sur un terrain de concours, certaines personnes caractéristiques par leur physique, leur odeur (parfum, cigarette) ou leur façon de s’habiller, certains objets (vélo, brouette), un animal (poule…), la solitude, les grands espaces, la pose du filet ou de la selle…

Quels sont les différents stades de la phobie ?

Il existe classiquement trois stades de phobie :

  • La phobie simple ou réactionnelle (ou stade 1) correspond à un schéma élémentaire de stimulus-réponse : le stimulus déclenchant (c’est-à-dire l’objet de la phobie) entraîne une réponse comportementale de fuite accompagnée de signes émotionnels.
  • La phobie complexe (ou stade 2) se définit par un mécanisme d’anticipation émotionnelle. Le cheval commence à réagir dès son exposition à des stimuli précurseurs qui apparaissent avant le stimulus déclenchant et sont distincts de celui-ci. Par exemple, dans le cas de la phobie des transports, le cheval dont on natte la queue et la crinière à la veille d’une épreuve sait que le lendemain il devra monter dans le camion pour aller sur le lieu du concours. Son état phobique débute donc au moment du nattage.
  • Le stade pré-anxieux (ou stade 3), plus rare, est caractérisé par la persistance de signes émotionnels en dehors des périodes d’exposition au stimulus phobique.

> Les signes émotionnels sont une sudation excessive, l’émission d’urine ou de crottins, des tremblements, une mydriase (pupilles dilatées), une augmentation de la fréquence cardiaque, une salivation… On parle aussi de « troubles neuro-végétatifs » car ces manifestations ne sont pas maîtrisées par l’animal mais en relation directe avec l’état de stress et les neuromédiateurs qui sont sécrétés à ce moment-là.

Comment les phobies apparaissent-elles chez le cheval ?

On distingue deux types de phobie :

  • Les phobies « ontogéniques » sont liées à un trouble du développement : absence d’implication de la jument dans le processus de socialisation, peu d’expériences sensorielles, poulain séparé trop tôt de sa mère, poulain isolé sans structure sociale, débourrage brutal…

> Un poulain normalement socialisé réagit peu aux variations de son environnement, car il les considère comme inoffensives.

  • Les phobies « post-traumatiques » ont toujours pour origine un événement précis : accident de la route pour la phobie des transports, actes douloureux pour la phobie du vétérinaire ou du maréchal-ferrant, brutalités ou punitions pour la phobie de certaines personnes, chute sur un obstacle pour la phobie d’un obstacle précis, douleur dentaire pour la phobie du mors…

> Les phobies post-traumatiques s’installent très rapidement (une seule mauvaise expérience suffit) et sont difficiles à soigner. Elles se généralisent fréquemment si les mesures engagées par le cavalier pour les faire disparaitre sont coercitives. Elles se soignent par désensibilisation progressive.

Comment reconnaître une phobie ?

Parmi tous les troubles du comportement, les phobies sont les plus faciles à identifier. Elles correspondent à une réaction émotionnelle de peur disproportionnée par rapport à la cause et hors de propos.

En cas de suspicion de phobie, n’hésitez pas à consulter votre vétérinaire car elles doivent être différenciées :

  • de l’anxiété : la perturbation est plus durable et plus généralisée, sans facteur déclenchant identifié,
  • d’une peur « normale » : il s’agit d’une réaction face à une situation exceptionnelle, perçue comme une menace. Il n’y a alors pas d’anticipation émotionnelle,
  • d’un trouble médical : une perte de la vision par exemple ou une douleur osseuse accentuée par le passage sur le pont incliné peuvent expliquer une phobie de la montée en camion.

Est-il possible de soigner une phobie ?

Le traitement d’une phobie repose sur l’association d’une thérapie comportementale et d’un traitement médical. Les phobies de stades 2 ou 3 sont plus longues et difficiles à soigner que celles de stade 1. Si la phobie est due à une atteinte organique, il faudra bien sûr soigner les deux affections.

  • La thérapie comportementale vise à diminuer l’intensité de la réponse (émotionnelle et motrice) face à l’objet de la phobie. Cinq techniques sont utilisables, en même temps ou successivement. Il est préférable de faire appel à un vétérinaire spécialiste du comportement pour ne pas risquer d’aggraver les troubles.
    • L’habituation du cheval passe par une exposition répétée à l’objet phobique, plusieurs fois par semaine, toujours en situation « aversive », c’est-à-dire que l’exposition ne doit jamais déclencher la réaction phobique.
    • La désensibilisation est une technique d’habituation avec un gradient d’intensité d’exposition croissante. A chaque étape franchie, le cheval est récompensé (aliment systématique puis aléatoire, caresse, paroles).
    • L’apprentissage vicariant fait appel aux dons d’imitation du cheval et à son instinct grégaire : un congénère plus coopératif sert de modèle au cheval phobique. Cette méthode est très efficace si les chevaux s’entendent bien.
    • Le contre-conditionnement consiste à associer au stimulus déclencheur un autre stimulus produisant habituellement une réponse incompatible avec la réaction d’évitement ou de peur. Par exemple, le cheval apprend à se relaxer (par des massages musculaires) dès que l’ordre lui en est donné ; il suffit ensuite, avant l’apparition des troubles phobiques, de donner l’ordre au cheval de se relaxer, ce qui rend la fuite impossible.
    • L’immersion de l’animal dans la situation phobique, à une intensité supérieure au seuil de tolérance, sans aucune possibilité d’échappement, est une technique assez brutale, à utiliser avec de grandes précautions.
  • Le traitement médical est toujours associé à une thérapie comportementale. Il permet d’obtenir un apaisement compatible avec cette thérapie, une atténuation des réponses neurovégétatives et une disparition de l’anticipation. Deux anxiolytiques d’origine naturelle peuvent être utilisés : l’EAP (Equine Appeasing Pheromone) et l'alpha-casozépine. Ils ne présentent pas d’effets secondaires et ne sont pas considérés comme des produits dopants.

> Les autres molécules doivent être réservées aux cas extrêmes : elles peuvent être responsables de troubles de l’équilibre et d’un état confusionnel du cheval, faisant courir un risque au cavalier. En plus, ces substances sont relativement onéreuses et considérées comme dopantes…

Exemple de protocole de désensibilisation dans le cas de la phobie des transports (à raison de 3 à 4 séances par semaine) :

1. Le van est stationné plusieurs jours à proximité du lieu de vie du cheval.

2. Le van est rapproché progressivement. Le cheval peut, s’il le souhaite, aller le renifler.

3. Le cheval monte dans le van et redescend immédiatement. Pour faciliter la montée, l’intérieur du van est éclairé et des bottes de paille disposées dans le van et sous le pont permettent d’atténuer le bruit et les vibrations.

4. Le cheval monte dans le van, y reste quelques minutes et redescend. On peut éventuellement y disposer un peu de nourriture.

5. Le cheval monte dans le van, les portes sont refermées puis rouvertes et le cheval redescend. Un observateur, embarqué avec le cheval, tout en restant totalement passif, fait cesser immédiatement la séance aux premiers signes d’agitation.

6. Le cheval monte dans le van, les portes sont refermées, le moteur est mis en marche quelques minutes puis coupé et le cheval redescend. L’observateur est toujours présent.

7. Le cheval monte dans le van, les portes sont fermées, le moteur est mis en marche, le van roule quelques minutes puis le cheval descend. L’observateur est toujours là.

A chaque étape, si le cheval ne présente pas de réaction, il est récompensé. On ne passe au pallier suivant que si le pallier précédent est stable. Si une réaction de peur se produit, il est essentiel de rester neutre, et de ne pas chercher à rassurer le cheval, ce qui le conforterait dans son comportement inadéquat.